Vincent Berton : “Je suis triste de quitter Saint-Martin”
Après près de trois ans en tant que préfet délégué de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Vincent Berton s’apprête à quitter l’île pour prendre ses nouvelles fonctions en Corrèze. Entre bilan, projets inachevés et attachement profond au territoire, il revient sur son passage dans les îles du Nord et partage son regard sur l’avenir de Saint-Martin.
Quel bilan faites-vous de vos trois années sur le territoire ?
En trois ans, Saint-Martin a connu de nombreux changements. Quand je suis arrivé, c’était un autre monde. Depuis, nous avons retrouvé une croissance économique solide, avec un tourisme en plein essor atteignant presque les niveaux d’avant Irma.
La reconstruction a progressé. Visuellement, Saint-Martin a changé. La coopération avec Sint Maarten a également évolué, notamment avec l’accord sur la frontière, un moment historique depuis le traité de Concordia. Mais le défi le plus préoccupant reste l’insertion des jeunes.
Quelle est votre plus grande fierté en tant que préfet délégué ?
Je ne parlerais pas de fierté, mais plutôt de satisfaction d’avoir réussi à fédérer. Sans coopération, rien n’avance. L’accord de frontière était loin d’être gagné. Il a fallu beaucoup de travail pour parvenir à un compromis. La préfecture de plein exercice est aussi un accomplissement : cela a pris du temps, mais c’était nécessaire.
Enfin, le Living Museum porté par Mélanie Dal Gobbo et Art For Science me tient particulièrement à cœur. Je crois profondément à l’insertion par l’art et la culture. C’est un projet inspiré de l’approche anglo-saxonne, qui a un réel impact sur la jeunesse.
Un an et demi après votre prise de fonction ici, vous disiez que la jeunesse de Saint-Martin ne se rend pas compte de l’attention que vous lui portez. Est-ce
toujours votre message ?
Oui, car les jeunes ici sont exposés à de nombreux dangers : échec scolaire, difficultés linguistiques et culturelles, et surtout, l’influence des trafiquants qui les attirent vers le pire.
Le message que je veux leur transmettre, c’est de croire en eux et de suivre leur propre voie. Ce n’est pas simple, surtout quand l’environnement pousse parfois dans la mauvaise direction. Mais vivre des trafics, c’est une impasse, une voie sans issue.
Pour éviter cela, il faut des révélateurs, des adultes capables de montrer aux jeunes leur potentiel. Certains professeurs, encadrants ou artistes sont ces miroirs qui permettent aux jeunes de se découvrir et de croire en eux.
Ressentez-vous des remords ou des regrets ?
En regret, celui de ne pas voir l’accomplissement de certains projets, comme la convention Action Logement qui est très importante, l’inauguration de la cité administrative et judiciaire de l’État ou celle de la médiathèque de Concordia.
Je n’ai par contre pas tellement de remords. Je suis loin d’avoir tout bien fait, la tâche est très importante pour l’État à Saint-Martin. Mais j’ai beaucoup travaillé sur cette île, j’ai essayé de faire de mon mieux. Sinon, de manière générale, ce qui me frustre le plus, c’est la lenteur administrative. On reste peu de temps en poste, et beaucoup de projets nécessitent des années pour aboutir. Il n’y aura pas de discontinuité avec la venue du nouveau préfet Cyrille Le Vély, on ne repart pas à zéro. La préfecture compte 70 fonctionnaires, les équipes restent en place.
“Azur, Vibrations, Horizon” furent les trois mots que vous aviez choisis pour décrire Saint-Martin en 2023. Et en 2025 ?
On reste sur les mêmes mots. Et je rajouterais “Tristesse”… de quitter Saint-Martin.
Et “Énergie”. Ici, il y a une véritable dynamique, une envie d’avancer, de faire bouger les choses, même quand c’est compliqué. Saint-Martin est un terrain de jeu immense avec un potentiel énorme, à condition de réussir à se projeter sur le long terme.
Vous vous envolez aujourd’hui vers la Corrèze, que garderez-vous de Saint-Martin ?
Je vais passer du bleu minéral au vert végétal. Ce sera un changement radical !
Mais ce qui va me manquer le plus, ce sont les Saint-Martinois. Cette île a une richesse humaine et culturelle incroyable. J’ai été marqué par cette ouverture sur le monde, ce mélange unique de cultures françaises, anglophones et hispaniques. Saint-Martin est une terre de brassage et d’échanges, où il y a une manière très décontractée et chaleureuse d’aborder la vie. Ce départ est difficile. Saint-Martin marque, elle s’imprègne en vous.
Toute l’équipe du Faxinfo souhaite au préfet Vincent Berton une pleine réussite dans ses nouvelles fonctions. Merci, bon vent, bonne mer et cap vers de nouveaux horizons… _Vx
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