COVID-19 – Mise en oeuvre de l’avis du Conseil scientifique pour les territoires d’outre-mer
Ministère des outre-mer – Paris
Vendredi 10 avril 2020
Mes chers compatriotes ultramarins,
Je mesure les efforts qui vous sont demandés, comme je mesure ceux réalisés par les soignants et par tous ceux qui montent au front.
Ces soignants, je voulais commencer par les remercier, sincèrement, et encourager tous les gestes de solidarité que vous réalisez à leur égard. J’ai aussi une pensée pour tous ceux qui se battent contre le virus.
Je souhaite d’abord partager avec vous une réalité : en France, ce sont près de 86 334 cas de COVID-19 qui ont été confirmés, avec à ce jour 23 206 guérisons et, malheureusement, plus de 12 210 décès. Ce sont plus de 7066 personnes qui sont placées en ce moment même en service de réanimation.
Jamais de son histoire, la réanimation française n’a eu à faire face à un tel défi. Tout cela doit nous pousser à une chose : faire preuve d’humilité et de détermination.
Vous le savez, la stratégie de lutte contre l’épidémie est une stratégie en trois temps :
Tout d’abord, il a fallu augmenter la capacité d’accueil en réanimation, par le matériel et par les hommes et femmes déployés sur le terrain.
C’est ainsi que 32 respirateurs ont été livrés cette semaine aux Antilles et que 28 personnels de la réserve sanitaire s’envoleront vers Mayotte dès lundi.
La réserve sanitaire a également été mobilisée en Guadeloupe avec l’arrivée de 22 réservistes le 2 avril dernier.
Nous avons pris, à la demande des élus que je remercie, le 31 mars 2020 un décret permettant le recrutement de médecins étrangers aux Antilles et en Guyane si besoin.
Comme vous le savez, le porte-hélicoptères Dixmude parti le 2 avril et arrivera en fin de semaine prochaine aux Antilles avec notamment plus d’un million de masques et du matériel sanitaire.
Le porte-hélicoptères Mistral est lui dans l’Océan Indien, il a déposé 67 militaires en renfort dans le cadre de l’opération Résilience et est en ce moment à La Réunion pour disposer de son équipement de mission avant de repartir pour Mayotte.
Ces bâtiments polyvalents permettent de mener des opérations de gestion de crise, de transport ou encore d’évacuation sanitaire et de soutien médical par des moyens aéroportés.
Ensuite il a fallu réduire la pression sur le système hospitalier, freiner l’épidémie et donc réduire les contacts. Ce sont les mesures de confinement et de protection des populations prises dès début du mois de mars dans les territoires d’outre-mer alors que l’épidémie n’était pas déclarée.
Enfin, il faut trouver les meilleurs remèdes disponibles, et c’est l’objet de l’étude Discovery, menée à l’échelle européenne et permettant de tester 5 options thérapeutiques pour faire face à la maladie.
Tous les jours la recherche progresse, l’analyse des symptômes progresse. Soyons humbles, le chemin est encore long.
Le débat sur la disponibilité des masques, des tests, des équipements de protection doit avoir lieu, mais la polémique ne nous fera pas avancer.
Pour avancer justement, j’ai sollicité le 26 mars dernier l’avis du Conseil Scientifique, présidé par le Professeur Delfraissy, afin qu’il puisse éclairer le gouvernement sur les mesures engagées sur le terrain et proposer des mesures spécifiques au regard du stade de l’épidémie et du contexte socio-culturel de chaque territoire.
Le Conseil Scientifique ne décide pas. Il conseille sur les politiques à mener afin d’assurer la meilleure réponse pour protéger les populations. C’est un conseil indépendant, composés de scientifiques, sociologues, anthropologues et mathématiciens reconnus.
J’ai reçu leur avis ce mercredi 8 avril et je tiens à les remercier sincèrement, le Professeur Delfraissy en particulier, pour leur investissement important en faveur des outre-mer. Nous avons depuis hier mené un travail interministériel intense pour proposer les mesures les plus adaptées en lien avec ces recommandations.
Il me semble important, en toute transparence, de vous présenter ces résultats. L’avis complet est publié ce jour sur le site Internet du Ministère des outre-mer.
Que disent les scientifiques ? Que les territoires d’outre-mer sont frappés par l’épidémie avec un décalage de plusieurs semaines dans le temps par-rapport à l’hexagone. Pourtant, le confinement général y a été décrété au même moment, le 17 mars. Cette avance, nous devons la garder !
Cet avis nous conforte dans la stratégie que nous avons déployée et notre action commune : les mesures que nous avons prises et en particulier le confinement en tout début de l’épidémie sur les territoires ont d’ores et déjà un impact positif en diminuant l’intensité de l’épidémie.
Les situations des territoires d’outre-mer sont hétérogènes et les mesures, pour être opérationnelles, doivent être réalistes et adaptées aux contextes. Elles doivent être différenciées selon les territoires et élaborées avec les autorités et les acteurs impliqués.
L’avance que nous avons prise rend possibles d’autres mesures pour freiner la propagation de l’infection, fondées sur une utilisation plus large des tests de diagnostic, avec un isolement des patients positifs, et des mesures de quarantaine des nouveaux arrivants.
Je retiens deux annonces fortes, qui vont modifier en profondeur notre manière de procéder quel que soit le stade de l’épidémie.
1. Tous les arrivants placés en quatorzaine contrôlée seront testés à la sortie.
2. Tout cas symptomatique sera testé et une proposition d’isolement sera faite dans des structures dédiées qui devront se mettre en place et il y aura un suivi strict des cas contact.
Les scientifiques nous disent de tester, c’est bien notre objectif et nous faisons le maximum pour être en capacité de le faire. L’ensemble des territoires sera équipé en capacité de test nécessaires à la réalisation de notre stratégie. 4 nouveaux automates de test seront à la disposition des outre-mer, avec des équipes disponibles.
Nous avons demandé dès hier, aux préfets et aux ARS de préparer des réponses adaptées sur chacun de vos territoires pour mettre en oeuvre au plus vite ces mesures nouvelles.
Pour Mayotte, il est indispensable de tenir compte de la fragilité sociale et de la réalité sociétale du territoire pour ajuster les mesures.
Il nous faut par exemple donner la possibilité aux personnes contaminées mais pas ou peu malade de pouvoir s’isoler pour ne pas propager l’épidémie : une structure extrahospitalière pourra accueillir ces personnes.
Par ailleurs, le préfet a travaillé sur l’aide alimentaire et l’accès à l’eau potable et nous sommes en train de renforcer ces efforts et adapter les politiques menées.
Autre mesure à mettre en place selon le conseil scientifique, aller encore plus loin dans l’augmentation des capacités de réanimation des territoires. Sur ce point, au niveau national, il a été prévu environ 1 lit de réanimation pour 5400 habitants. Nous sommes dans les mêmes ratios outre-mer.
Je souhaite, en toute transparence, partager avec vous les données chiffrées remontées des ARS pour chacun des territoires.
En Guadeloupe et pour les îles du Nord, nous comptons 181 cas déclarés, 33 hospitalisation, 10 décès et 41 guérison. 13 personnes sont admises en réanimation. La capacité en réanimation initiale est de 33 lits, nous l’avons portée à 43 lits et nous pouvons aller jusqu’à 75 lits si besoin.
En Martinique, nous comptons 152 cas déclarés, 47 hospitalisés, 5 décès et 50 guérisons. 20 personnes sont admises en réanimation. La capacité en réanimation initiale est de 44 lits, nous l’avons portée à 46 lits et nous pouvons aller jusqu’à 94 lits si besoin.
En Guyane, nous comptons 77 cas déclarés, 9 hospitalisation et 34 guérisons. 1 personne est admise en réanimation. La capacité en réanimation initiale est de 11 lits, nous l’avons portée à 34 lits et nous pourront l’augmenter à 42 lits en fonction des renforts.
A La Réunion 362 cas sont déclarés, 36 personnes sont hospitalisées, 40 personnes sont guéries. La capacité en réanimation initiale est de 51 lits, nous l’avons portée à 80 lits et nous pouvons aller jusqu’à 176 lits si besoin.
A Mayotte, nous comptons 184 cas déclarés, 16 hospitalisations, 2 décès et 22 guérisons. 3 personnes sont actuellement admises en réanimation. La capacité en réanimation initiale est de 16 lits, nous allons l’augmenter à 50 lits et nous pourront l’augmenter encore en fonction des renforts.
A Saint-Pierre-et-Miquelon, un cas est déclaré pour plus de 10 lits possibles, à Wallis-et-Futuna, 0 cas déclaré et une capacité de 10 lits.
En Polynésie française, nous comptons 51 cas, 3 patients en réanimation pour 40 lits.
En Nouvelle-Calédonie, nous comptons 18 cas, 1 patient en réanimation pour 42 lits que l’on peut augmenter à 66 en fonction des besoins.
Que disent ces chiffres ? Que grâce au confinement, nous sommes à ce jour encore loin de saturer le système hospitalier. Cette donnée est parfaitement suivie par les ARS. En cas de risque, la sollicitation de moyens nationaux se fera territoires par territoires, en fonction de la dynamique épidémique et de la disponibilité sanitaire.
Nous continuerons bien évidemment à approvisionner régulièrement, les territoires ultramarins en fret sanitaire pour s’assurer de la disponibilité pour les soignants des masques, des équipements de protection individuelle et des solutions hydro-alcooliques, autre recommandation de l’avis scientifique.
Rien n’est gagné, le danger est toujours présent, je pense aux territoires exposés en plus à une épidémie de dengue, à ceux qui doivent faire face à une immigration illégale, à ceux ou la question de l’eau reste en suspens.
Mais je voudrais aussi vous encourager, notamment en continuant à limiter les contacts, surtout en cette période pascale.
En effet, grâce à l’effort des soignants et à votre discipline collective, nous réussissons à avoir il y a eu 141 personnes hospitalisées dans tout l’outre-mer, soit 4 de moins qu’hier et nous comptons 42 cas de réanimation pour une capacité totale de 500 lits. Sur la journée d’hier ce sont 30 nouveaux cas qui ont été constatés.
Cela doit nous encourager à poursuivre les actions menées car je le redis, rien n’est gagné.
Encore une fois, il faut rester humble face à l’épidémie, et j’ai demandé aux préfets de renforcer davantage les mesures de protection sur vos territoires. Ainsi, les magasins seront fermés pendant tout le week-end pascal aux Antilles, des mesures renforcées ont été prises à La Réunion et le préfet de Mayotte prépare, en lien étroit avec les autorités religieuses du pays, la période du ramadan.
En conclusion, je veux revenir avec insistance sur ce qui marche aujourd’hui et qui a freiné l’épidémie :
La mise en place de gestes barrière ;
La réduction du nombre de contact et la mise en place d’une distanciation sociale.
Voilà, mes chers compatriotes d’outre-mer, les informations que je voulais partager avec vous. J’évoquerai la semaine prochaine les volets économique et social dans notre lutte contre cette épidémie qui nous touche tous. Je vous remercie.
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