« Je suis devenue une cliente régulière depuis que j’ai repéré une robe à fleurs sur une annonce Facebook » résume Claire*qui préfère rester anonyme pour se prémunir d’éventuels commentaires de ses collègues. Elle qui se décrit comme aimant «les belles choses» vient souvent à la recherche de vêtements de seconde main, achetés à un prix dérisoire, qu’elle customise ensuite. « Il ne faut pas avoir peur de trier pour dénicher les belles pièces. Je trouve parfois des habits de marque » poursuit-elle en précisant bien les laver avant de les porter.
La friperie solidaire à l’air libre qui fait désormais le bonheur de Claire, mais aussi de personnes en situation plus précaire, porte un nom ironiquement prestigieux : « Avenue du partage ». Elle est située à quelques mètres de la caserne des pompiers, de l’autre côté de la route, dans la grande descent« A la base, nous avions acheté une vieille jonque que les jeunes devaient rénover tout en passant leur diplôme de la mer. Mais elle était à Oyster Pond et a coulé avec Irma », explique Muriel Chabert, la présidente de l’association Sea Rooster Foundation créée à l’été 2016. Dans son local au rez-de-chaussée d’un immeuble à La Savane, l’association mettait à la disposition des membres un studio d’enregistrement. La cour attenante servait de garage pour l’atelier mécanique spécial motos. « On a perdu tout ce qu’on avait » déplore-t-elle. Mais malgré les infiltrations le local tient toujours debout.
La boutique solidaire naît ainsi au lendemain d’Irma, par nécessité. «Notre quartier n’était pas du tout distribué alors nous avons commencé à amener des vivres dans toute les rues perpendiculaires à la route, et aux personnes réfugiées à la cité scolaire » avance Muriel Chabert.
Au début, l’association distribue ses propres stocks et ce qu’elle trouve par ci ou là. Jusqu’à ce que les militaires, touchés par l’élan de solidarité, viennent remplir le local d’eau et d’aliments. « Nous avons pu nourrir gratuitement les gens pendant quatre mois » assure la présidente de l’association qui a aussi reçu sept palettes remplies de dons alimentaires, mais aussi de vêtements, de produits d’hygiène et de jouets récoltés par sa fille et ses amis à Clermont Ferrand, ainsi que des dons de particuliers et de l’institut Fore de Martinique.
Le bouche à oreille commence à fonctionner. « La dernière fois nous sommes revenus de Saint-Barthélemy avec 19 palettes » souligne-t-elle. A Saint-Martin, il n’y a pas de grosse quête mais de plus en plus de gens viennent déposer des vêtements, des jouets et des meubles lorsqu’ils déménagent, quittent l’île ou simplement à l’occasion de leur ménage de printemps. D’ailleurs, alors que nous parlons, une dame en pick-up vient déposer des sacs de livres scolaires et de textiles. Elle veut aussi donner des meubles mais ne pouvait pas les porter toute seule. Deux jeunes repartent avec elle pour lui prêter main forte.
Quant à la clientèle, elle évolue au fil des mois. « Au début il y avait un peu tout le monde. Des gens qui se retrouvaient sans rien du jour au lendemain. T’as beau avoir une carte bleue, dans ces moments-là elle ne te sert à rien » fait remarquer Muriel Chabert. « Puis nous avons eu une phase avec des gens plus pauvres et des gens de la classe moyenne qui se retrouvaient dans une situation précaire parce que par exemple ils doivent se reloger à leurs frais en attendant leurs indemnités d’assurances … . Progressivement nous avons aussi des clients un peu plus aisés qui sont sensibles à l’aspect écologique du recyclage de vêtements. Irma nous a aussi montré les dérives de la surconsommation. Ils se disent pourquoi ne pas acheter un vêtement d’occasion plutôt que de gaspiller. »
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