Décharge de Sint Maarten Tadzio Bervoets : « La situation est devenue hors de contrôle depuis Irma » ! (Suite)

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Voici le dernier volet de l’interview réalisé avec Tadzio Bervoets, directeur de la Sint Maarten Nature Foundation, et vice-président de la Dutch Caribbean Nature Alliance, qui interpelle régulièrement le gouvernement de la partie hollandaise au sujet de la décharge où sont enfouis pêle-mêle tous les déchets de Sint Maarten !

 

La Nature Foundation a, à plusieurs reprises, distribué des masques aux habitants lors des gros incendies à la décharge. Quelles autres actions avez-vous mené pour promouvoir une meilleure gestion des déchets ?

Nous avons décidé de distribuer des masques même s’ils ne stoppaient pas toutes les toxines mais nous voulions faire quelque chose. Les gens, les enfants circulent autour sans aucune protection. D’abord nous avons pris sur notre budget puis des particuliers ont fait des dons pour que nous puissions continuer à en acheter et les distribuer. Il y a même des fois où nous avons dû donner des masques à des policiers qui contrôlaient la circulation et n’avaient aucune protection non plus.

Ces dernières années, avec la Nature Foundation nous avons tiré la sonnette d’alarme en disant qu’il ne s’agit pas que de préoccupations environnementales. Nous avons une réserve marine établie, travaillons à la protection et à la restauration des espèces marines, etc. Mais tant qu’on ne trouve pas une solution pour la décharge, on ne peut pas parler véritablement de protection de la nature à Sint Maarten. Les produits chimiques s’écoulent dans l’étang qui, lui, rejoint la mer. Cela crée de mauvaises conditions de baignades à Great Bay, qui est pourtant la plage la plus fréquentée par les touristes, particulièrement des croisiéristes. Et sur les récifs, cela augmente le taux de métaux lourds dans les poissons, que nous finissons par manger…

Nous avons aussi tenté de faire comprendre à la population qu’il s’agit aussi d’une question de santé publique. Nous avons fait des sondages au cours desquels  nous avons interrogé les habitants pour savoir si les jours de grosses fumées ils avaient dû consulter un médecin. 70% d’entre eux nous ont répondu que oui, ils étaient déjà allés à l’hôpital pour des problèmes de santé tels que maux de tête, yeux irrités, toux…

Il y a quelques années, alors que l’étang était asséché, nous avons effectué des prélèvements dans la vase autour de la décharge. Nous les avons testés et ils se sont révélés positifs au cuivre, au zinc, au nickel, …des métaux lourds connus pour causer de sérieux problèmes de santé.

Ce que nous avons également entendu, de façon anecdotique et sans pouvoir encore le prouver, c’est que les personnes résidant autour de la décharge ont développé plus de problèmes de santé : cancers, problèmes respiratoires, des membranes muqueuses et des yeux…

Quelles sont les solutions ?

Il y a eu des solutions. Mais ces solutions n’ont jamais abouti. Après Irma, l’argent accordé par le gouvernement hollandais pour la reconstruction va être supervisé par la banque mondiale, ce qui signifie qu’il y avoir des audits, des contrôles financiers…Nous faisons tout pour qu’une partie de cet argent serve à la construction d’un nouveau système de gestion des déchets. Il faut vite trouver une solution. Il en existe plusieurs.

Je sais qu’une étude est en cours pour savoir laquelle serait la plus appropriée et que des entreprises se préparent à se positionner lorsque l’offre de marché sera publiée. J’espère que cela va vite arriver. Comme je l’ai dit au gouvernement, il s’agit d’une haute priorité. Pas seulement parce que cela entache la capitale et que c’est la première chose que les croisiéristes voient à leur arrivée, mais aussi pour la santé de la population. Et pas seulement du côté hollandais car la fumée ne s’arrête pas à la frontière. Cela affecte aussi la partie française, surtout les dernières fois. C’est le plus gros problème environnemental auquel nous faisons face actuellement, des deux côtés. Malheureusement c’est du côté hollandais, mais j’espère que le gouvernement et la population de la partie française vont mettre la pression au gouvernement de Sint Maarten pour que quelque chose arrive. Cela touche toutes les parties de l’île : l’économie, l’environnement, la santé… Il faut arrêter de dire que c’est LA priorité, et en faire la priorité.

Par où faudrait-il commencer ?

« Il faudrait déjà réaliser un vrai plan de gestion des déchets avec un programme de tri supporté par le gouvernement, et l’appliquer. C’est ce qui est le plus dur. Commencer par trouver une solution pour gérer les déchets existants puis réfléchir à un nouveau système. Il y a vingt ans on disait déjà que la décharge avait atteint ses limites et regardez où on est aujourd’hui.

J’étais très déçu que le projet de gestion commune des déchets avec la partie française échoue. Parce cela semble évident sur une île de cette taille que les deux parties travaillent ensemble. Comme il n’y a pas de contrôles côté hollandais, on se retrouve dans une situation où des camions de la partie française viennent vider leur chargement dans la décharge de Pond Island. Ce serait pertinent d’avoir une solution commune pour quelque chose qui affecte les deux côtés de l’île.

L’un des problèmes est que nous avons changé de gouvernement tous les six mois à un an depuis huit ans et à chaque fois les compagnies qui gèrent la décharge changent. Après l’avant dernière élection, les poubelles n’ont pas été ramassées pendant une semaine parce que personne ne savait vraiment quelle entreprise devait s’en charger. Et ceux qui étaient au courant qu’ils avaient obtenu le contrat n’avaient pas de camions-poubelles ! Alors on voyait des éboueurs en pick-up, ramasser les poubelles et les porter à la décharge. C’est fou ! Si on ne soulevait pas ce problème il ne se passerait rien. Et encore, j’ai peur, dans dix ans, de parler des mêmes problèmes qui ne seraient pas résolus ».

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