EDF Archipel Guadeloupe, représenté par sa directrice régionale Marie-Line Bassette et son chef du service des Iles du Nord Pierre-Yves Gillot, exposait mercredi dernier la crise énergétique à Saint-Martin.
La consommation électrique, en hausse de 7 % au 1er semestre 2024, dépasse les capacités d’une centrale de Galisbay vieillissante. La construction d’une nouvelle centrale de 15 MW, inscrite dans le Plan Pluriannuel de l’Énergie (PPE) et cruciale pour l’île, est retardée par des difficultés d’obtention de terrain (2x3000m2) et des lenteurs administratives. La centrale actuelle, dotée de 2 tranches de production, peut fournir une puissance de 34 MW, tandis que la demande atteint déjà 30 MW. Mais la vétusté de certains moteurs, notamment sur la 3e tranche mise en service en 2016, crée une pression sur le réseau : deux moteurs sont actuellement à l’arrêt en raison de pièces défectueuses, avec un délai d’un an pour les remplacer.
Solutions techniques pour réduire le déficit de production
Face à cette tension, EDF a recours à des solutions d’urgence : déployer 18 groupes électrogènes pour atteindre 6,5 MW supplémentaires, installer des moteurs en container d’ici début 2025 pour un apport de 5 MW et à moyen terme, sous couvert de validation de la commission de régulation de l’énergie, une centrale temporaire de 30MW pour 7 ans, délai d’installation de la nouvelle infrastructure. En parallèle, la population est invitée à adopter des mesures de sobriété, comme réduire l’usage de la climatisation, particulièrement énergivore. Cette situation complexe met en lumière le rôle des acteurs de l’énergie : la Collectivité en charge de cette compétence et des orientations stratégiques, l’État qui garantit les tarifs nationaux, la CRE qui surveille le marché, et EDF qui exploite le réseau.
Réponse de la Collectivité
La Collectivité a réagi suite au point presse organisé par EDF Archipel Guadeloupe pour expliquer la situation énergétique tendue à Saint-Martin. Outre des incidents imprévisibles, les défaillances actuelles dans la production d’énergie entraînent des délestages, situation que la Collectivité attribue à une décision d’EDF en 2016 de cesser tout investissement dans les infrastructures locales. Les moteurs Hyundai, installés cette même année sur la 3e tranche en 2013, sont des prototypes. Non produits en série, ils nécessitent des pièces spécifiques venant de Corée en cas de panne, provoquant des délais de réparation significatifs.
EDF oriente ses attentes d’équilibre énergétique vers la sobriété de consommation des résidents et entreprises, stratégie que la Collectivité juge inadaptée face à la complexité de la situation locale. Actuellement, le dossier du Plan Pluriannuel de l’Énergie (PPE) attend l’arbitrage budgétaire de l’État, une démarche influencée par les contraintes financières nationales. La Collectivité est consciente que, dans un tel contexte, les ambitions du PPE pourraient être modifiées. De plus, les prévisions d’augmentation de la demande en électricité, soit +5 % par an, sont le fruit d’une concertation entre l’État, EDF et la Collectivité, basées sur les données fournies par EDF.
Le calcul de consommation par habitant, central dans la stratégie d’EDF, ne prend pas en compte l’impact du tourisme. La hausse de 7 % de la consommation au premier semestre 2024, comparée à 2023, n’est pas due à des excès des résidents mais plutôt à l’augmentation de la demande touristique, notamment avec la conversion d’appartements en locations saisonnières.
Ainsi, la Collectivité estime que l’approche actuelle, fondée sur l’idée de « 32 000 habitants grands consommateurs », devrait être repensée pour inclure les charges permanentes du secteur touristique. Afin d’améliorer la gestion de la demande énergétique (MDE), le comité de la MDE sera élargi à des représentants économiques locaux (CCISM, FIPCOM, FTPE), tandis qu’un Chef de Service Transition Énergétique rejoindra la Collectivité dès décembre. En 2025, une campagne de sensibilisation visera à encourager les bonnes pratiques de consommation.
La Collectivité partage néanmoins l’inquiétude d’EDF sur l’urgence de produire davantage. Cette production reste cependant soumise à un calendrier que la Collectivité peut seulement soutenir par la mise à disposition de terrains. Les installations prévues d’ici 2025 resteront opérationnelles au moins jusqu’en 2030, en attendant l’unité de production Albioma. En parallèle, l’urgence d’inciter des pratiques de consommation responsables, en particulier auprès des professionnels, est une priorité pour réduire la pression sur le réseau. _Vx
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