Les raisons du mensonge
«C’est un accident dramatique et ce mensonge donne une coloration amère», souligne-t-il par ailleurs. «Cela paraît inconcevable que quelqu’un s’accuse à la place de quelqu’un d’autre », ajoute-t-il. Et de préciser : «dans ce contexte, c’est inédit. Je n’ai jamais vu quelqu’un se dénoncer avec une telle force».
Selon les éléments de l’enquête, AB a demandé à deux reprises à FR de dire qu’il conduisait, avant même qu’ils ne descendent du véhicule après l’accident. «Vous dites que vous étiez complètement choqué par ce qui venait de se passer, mais vous avez tout de même la présence d’esprit de demander à votre ami de mentir», lui fait remarquer le tribunal.
Aux magistrats AB explique les raisons de son comportement. Il assure que ce n’était pas à cause de l’alcool qu’il avait consommé dans la journée ; il a reconnu avoir bu deux verres de rosé, deux pastis légers, une bière et un fond de rosé. «J’avais demandé aux gendarmes à être dépisté mais ils ne l’ont pas fait», confie-t-il. La raison de son mensonge est d’ordre administratif : «A ce moment, je n’étais pas censé être à Saint-Martin…»
Après avoir été moniteur d’auto-école, il a intégré la police nationale en 2008. Trois ans plus tard, il a eu un accident du travail et a été placé en arrêt de travail. Il a ensuite voulu reprendre le travail mais a été mis en congé maladie et de disponibilité pour raisons médicales. En mai 2019, il est rayé des cadres. Il est venu à Saint-Martin en août 2018 avec sa compagne «pour changer d’air».
«AB a fait preuve de lâcheté. Lâcheté est en effet le mot plus adapté », conçoit le procureur. «Il a laissé son ami prendre toutes les responsabilités. Il a fait preuve de lâcheté jusqu’au bout, jusqu’au bout il a laissé son ami s’enfoncer», commente le procureur.
Au sujet de FR, le parquet estime que celui-ci est «allé trop loin». S’il peut comprendre qu’il ait menti le soir même, il n’admet pas qu’il n’ait pas changé d’avis les jours qui ont suivi. «Voyant l’ampleur que les faits prenaient, il aurait pu, avec le recul, revenir sur ses déclarations. Mais non, il a continué à ne rien dire et a aggravé son cas », note le procureur.
«C’est effectivement tellement curieux d’avoir menti», conçoit maître Tillard qui s’est interrogée sur les différentes formes de mensonges. «Dans cette affaire, il s’agit d’un mensonge altruiste, c’est-à-dire que c’est un mensonge qui sert l’autre», expose-t-elle. La mère de FR à qui il a aussi menti, ne semble pas surprise de l’attitude de son fils. Elle a raconté à son conseil que «lorsque son fils avait 12 ans, il participait à une compétition de vélo, qu’il se disputait le podium avec un autre garçon, que le vélo de celui-ci a crevé et que son fils lui a alors prêté le sien pour qu’il puisse finir la course ».
Aux juges, FR explique que AB était un ami qu’il a rencontré il y a longtemps en métropole et qui l’avait accueilli lorsqu’il est venu à Saint-Martin (fin du compte-rendu d’audience dans notre prochaine édition)
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