Le Petit Déjeuner de l’Entrepreneur organisé samedi dernier par la FIPCOM-MEDEF a rassemblé plus d’une centaine de participants dans la salle polyvalente du lycée Daniella Jeffry à Concordia. Un lieu choisi pour sa symbolique, et où les jeunes ont brillé par la qualité de l’accueil et du service. Face à un public dense composé de chefs d’entreprise, d’institutionnels et d’élus, les sujets abordés ont révélé une tension palpable entre les ambitions affichées et les blocages du quotidien économique saint-martinois.
La nouvelle équipe préfectorale
Le président de la FIPCOM-MEDEF, Michel Vogel, a rappelé en ouverture l’enjeu de ces rencontres : faire vivre un dialogue concret, franc et constructif entre tous les acteurs du territoire. Face à lui, les représentants de l’État, à commencer par le préfet Cyrille Le Vély, ont détaillé leur feuille de route. Arrivé il y a deux mois, le représentant de l’État a insisté sur la proximité qu’il entend incarner : « C’est le premier poste où on me salue dans la rue, et en tant qu’individu, je tisse très vite des liens quasiment amicaux ». Une posture d’écoute, partagée par son équipe : Fabrice Thibier, secrétaire général de la préfecture, et Marie-Hildegarde Chauveau, directrice de cabinet, ont souligné l’importance de travailler main dans la main avec les acteurs économiques, même sur des sujets réputés « régalien » comme la sécurité ou la gestion de crise.
Car la sécurité est bien une priorité. Le préfet a rappelé que « Saint-Martin est aujourd’hui l’une des îles les plus sûres de la Caraïbe », condition essentielle pour attirer investisseurs et touristes. Mais la tranquillité ne suffit pas. Il faut « garantir un quotidien agréable », a-t-il insisté : eau, électricité, propreté, écoles, routes praticables, paix sociale… Autant de piliers pour un développement durable du territoire.
Les tensions du BTP
Les interventions du député Frantz Gumbs et du président de la Collectivité Louis Mussington ont permis de tracer les grandes lignes des chantiers à venir : logement social, urbanisme, gestion de l’eau et des déchets, ou encore rénovation urbaine. Mais c’est le secteur du BTP qui a concentré les crispations. Le préfet a lui-même évoqué les difficultés du secteur, liées à la commande publique et à une structuration encore fragile. « Il faut que tout le monde y trouve son intérêt », a-t-il martelé.
Face à lui, les professionnels du BTP ont exprimé sans détour leurs inquiétudes : retards de paiement, accès limité à la commande publique, concurrence extérieure écrasante, manque de visibilité sur les appels d’offres, complexité des procédures d’assurance, projets non adaptés au tissu local. Franck Fleming de la fédération BTP, en présence du président Jean-Paul Fischer, a dénoncé une situation de plus en plus intenable : « On nous oublie, on nous donne des petits marchés pour nous faire taire pendant que les gros contrats vont aux grandes entreprises. »
Ouvrir la dialogue
Autres sujets sensibles : l’impossibilité d’assurer des équipements solaires ou des constructions en zone dite à risque, les longs délais d’obtention de permis de construire, le manque de personnel dans les services d’urbanisme, ou encore l’absence d’un observatoire de la commande publique. Des problématiques connues, mais qui semblent s’enliser faute de réponses concrètes. La président de la CCISM, Angèle Dormoy, a néanmonis proposé de mettre en place une newsletter reprenant les appels d’offres à transmettre à tous les acteurs du BTP. La modératrice, Sandrine Jabouley, a rappelé l’urgence de « structurer les échanges » et de « planifier des réunions de travail régulières ».
Du côté de la Collectivité, Louis Mussington a tendu la main, affirmant être « en phase avec les préoccupations du tissu local » et prêt à revoir certains dispositifs. Le plan local de l’habitat, qui prévoit 1800 logements à produire dans les 6 mois, est en cours d’activation, tandis qu’une réforme du logement social est en discussion depuis janvier 2025 pour pallier le blocage financier.
Le défi de la transition écologique
Enfin, les représentants d’EDF ont rappelé les enjeux liés à la transition énergétique : installations vieillissantes, consommation croissante, absence d’assurance pour les panneaux solaires. Un investissement de 130M€ est envisagé pour construire une centrale moderne et “100% renouvelable” d’ici 2029, mais en attendant, les marges de manœuvre sont étroites. Le préfet a interpellé : « Je suis breton, je ne comprends pas qu’on n’ait pas de vraie filière solaire ici ! »
Au terme de ce petit déjeuner dense, parfois tendu, mais utile, les acteurs ont convenu de ne pas en rester là. Plusieurs ont proposé d’organiser rapidement une série de réunions thématiques avec les décideurs publics, pour sortir du constat et entrer dans l’action. Reste à transformer cette volonté partagée en calendrier concret.
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